Textes | Comminique sur la prise d’otages au théâtre
« Nord-Ost » à Moscou | 23.10.2002 |
Text originel sur le site Archivio dell'Eurasia di Martino Conserva
Parti politique « Eurasia »
COMMUNIQUE
OFFICIEL
sur la prise d’otages au théâtre
« Nord-Ost » à Moscou
La prise d’otages accomplie par les représentants d’une formation
armée tchétchène à Moscou, par tous ses traits,
est absolument différente des événements qui ont eu
lieu quelques années auparavant à Budennovsk et à
Kizlar.
Les prises d’otages de Budennovsk et de Kizlar avaient pour but de changer
le cours de l’opération militaire en Tchétchénie,
et furent indubitablement planifiées et accomplies par les Tchétchènes.
La structure et la logique de ces attaques correspondaient pleinement à
la mentalité tchétchène : de petites sorties audacieuses
sur le territoire voisin, exprimant des requêtes politiques, et de
même un retrait rapide en utilisant des moyens astucieux. Cela reflète
essentiellement la tactique traditionnelle des raids des Tchétchènes,
opérant déjà aux 17è-18è siècles.
Les deux attaques, à Budennovsk et à Kizlar, atteignirent
pleinement leur but politique.
En évaluant les problèmes posés par la prise d’otages
des terroristes dans la présente situation, il faut prêter
attention au fait que cet acte est absolument improductif pour les Tchétchènes
eux-mêmes, parce que dans le contexte donné ils ne peuvent
obtenir aucun résultat politique. En présumant une réaction
dure de la part de la société et des autorités russes,
il est possible d’affirmer, selon toute évidence, qu’après
cela non seulement la guerre ne s’arrêtera pas, mais prendra probablement
un caractère encore plus dramatique.
Cette situation est absolument inopportune aussi pour Moscou, qui vient
seulement de commencer à faire quelques pas réels vers une
solution politique du conflit russo-tchétchène. Récemment,
certains leaders tchétchènes représentatifs, à
leur tour, étaient de plus en plus favorables au dialogue et exprimaient
leur disponibilité pour une solution politique du conflit. Maintenant
tout espoir de solution politique est indéfiniment suspendu, ce
qui n’est absolument pas opportun pour Moscou.
Pour évaluer à qui profite la présente attaque,
il faut prêter attention au contexte international général.
Il est bien connu que Morsav Baraiev, dont le nom est lié aux terroristes,
est le neveu de Arbi Baraiev, qui à son tour représente la
ligne de Khattab et des wahabites extrêmes. Il a aussi obtenu de
l’argent de la part de l’assistant – tué – de Khattab, qui d’après
le directeur du FSB, Patruchev, était un « agent bien connu
de la CIA ». De plus, d’après nos informations, la majorité
des commandants tchétchènes sur le terrain a des relations
plutôt inamicales avec Morsav Baraiev, fondamentalement dues à
des désaccords sur des questions religieuses et
sur une subordination structurelle entre les structures taypistes-vyrdistes
de la majorité des groupes tchétchènes et les structures
wahabites de Baraiev-Khattab.
D’après ce manque de liens entre le groupe Baraiev et le front
général des formations armées tchétchènes,
il est possible de soupçonner la présence probable de quelque
commanditaire extérieur dans le cas des otages de Moscou.
De nombreux analystes et experts dans le domaine du terrorisme international
ont argué à plusieurs reprises qu’avant le début de
l’opération anti-Irak, l’exécution de plusieurs attaques
présumées « d’origine islamique » en Europe et
en Russie serait extrêmement opportune pour les Etats-Unis, pour
mettre une pression supplémentaire sur leurs alliés de la
coalition antiterroriste qui émettent des doutes concernant la correction
de l’opération américaine.
Le parti « Eurasia » aussi a mis en garde à plusieurs
reprises contre une telle éventualité. Aujourd’hui nous avons
la première confirmation de nos conjectures analytiques. Une Russie
stupéfiée se trouve au milieu d’un drame terroriste très
spectaculaire et terrible, qui peut être utilisé comme un
argument médiatique évident, justifiant l’adoption de décisions
vigoureuses et hâtives. En considérant que les Etats-Unis
se limiteront difficilement à l’Irak seulement – leur objectif est
évidemment beaucoup plus vaste – le cas présent peut servir
de facteur additionnel pour rejeter toute opposition venant de la Russie
et délier les mains des Américains pour les opérations
à venir.
La situation avec les otages pris par les terroristes tchétchènes
porte aussi un coup dur à l’influence croissante de l’eurasisme
à l’intérieur de la Fédération Russe, où
la question tchétchène et les problèmes d’intégration
dans le cadre de la CEI sont tous deux de plus en plus liés à
la philosophie de l’eurasisme, qui suppose une alliance culturelle et spirituelle
entre les mondes orthodoxe et islamique, et aussi une solidarité
entre les différents peuples dans un ensemble civilisationnel uni.
L’affaire de Moscou, au contraire, provoquera très probablement
une vague d’hostilité générale envers les représentants
des peuples du Caucase. Cela implique que la prise d’otages de Moscou est
aussi un coup porté à la stabilité du système
politique intérieur russe dans le domaine de sa politique ethnique,
et au processus d’intégration à l’intérieur du cadre
de la CEI. Un tel développement de la situation est favorable aux
mêmes forces qui visent à « consolider » la coalition
antiterroriste internationale.
Le scénario de la prise d’otages pendant une représentation
musicale et théâtrale sous la forme d’une attaque ne correspond
absolument pas à la mentalité tchétchène. Derrière
la préparation et la réalisation de cette attaque se tiennent
très probablement ces forces qui perçoivent la signification
et les possibilités de la médiacratie dans le monde moderne,
associant une action de terreur réelle au contexte conventionnel
d’une représentation musicale. Manifestement les Tchétchènes
– même les plus « éduqués » parmi eux –
ne pensent pas selon de telles catégories médiacratiques,
et leurs attaques sont réalisées plutôt en accord avec
la stratégie et la logique de leurs ancêtres. L’attaque du
théâtre « Nord-Ost » n’est absolument pas une
performance tchétchène, et surtout n’est pas conçue
par des directeurs tchétchènes. Une telle idée serait
plutôt née dans une agence de relations publiques ou dans
un centre spécialisé, mais certainement pas dans la conscience
des leaders tchétchènes.
La capture des otages à Moscou par des terroristes tchétchènes
a un caractère très douteux – du point de vue de la réussite
de l’opération projetée – bien que dramatique. Dans cette
situation, il est extrêmement important de ne pas tirer des conclusions
apparemment évidentes qui peuvent venir d’un examen superficiel,
en fermant les yeux sur les vrais problèmes posés par les
organisateurs de ce spectacle sinistre et sanglant. Et si le gouvernement
russe réussit à en apprendre plus sur le mécanisme
réel de cette attaque, peut-être devrons-nous aussi jeter
un њil sur nos partenaires transocéaniques.
Dans la situation présente, il est nécessaire d’invoquer
de la part du gouvernement russe une réaction dure contre les terroristes,
avec le minimum de pertes humaines. Commencer toute espèce de négociation
dans cette situation est non seulement absurde, mais simplement criminel.
Il serait complètement erroné de céder à
la provocation et de regarder avec sympathie une possible vague d’agitation
ethnique, qui pourrait bien commencer en Russie en résultat de l’attaque,
et par là même porter un coup sévère aux intérêts
de la sécurité nationale de l’Etat. Les raisons de l’attaque
ne sont pas ethniques, mais géopolitiques.
Les structures de l’islam russe traditionnel, les représentants
des groupes ethniques – incluant aussi les figures représentatives
de la diaspora tchétchène – activement engagés dans
le parti « Eurasia », expriment une protestation catégorique
contre l’action terroriste et sont prêts par tous les moyens à
favoriser la solution de cette situation, le sauvetage de vies humaines
et aussi l’apaisement des sévères conséquences sociales,
politiques et psychologiques de ce drame sanglant et sordide.
Au nom du Conseil Politique du parti « Eusasia »
Le leader du parti, A.G. Dugin
24 octobre 2002
publié avant l’assaut
donné par les forces spéciales russes.
Traduit du russe par M. Conserva
Version française par F. Destrebecq
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